La
spécialité sommeil n'est pas reconnue
en France. Et pourtant :
Le
fait de
recevoir des patients pour avis spécialisé, de poser plus d’un diagnostic par
patient et d’orienter vers plus d'un traitement est assimilable à un
comportement de spécialiste.
La provenance des patients indique que le somnologue
fonctionne à l'instar d'un spécialiste.
Il est à la fois un médecin de deuxième recours en recevant
des patients adressés par un généraliste, mais il est aussi un médecin de
troisième recours dans la mesure où il reçoit aussi des patients adressés par
un confrère spécialiste. Notons que de plus en plus de spécialistes font ce
recours : pneumologues, ORL, endocrinologues, neurologues, psychiatres,
médecins du travail, cardiologues, pédiatres…
Le médecin du sommeil est amené à consulter toutes les tranches
d’âge sans distinction puisque les pathologies du sommeil se rencontrent à tout
âge.
Le motif de consultation n’est pas uniquement centré sur les
apnées du sommeil mais aussi sur l’insomnie chronique, l’aide au sevrage
d'hypnotiques, la suspicion d’une hypersomnie ou d’une narcolepsie...
La formation est spécifique
Le champ couvert par le sommeil et sa pathologie est très
large, puisqu’il s’étend de la chronobiologie à la pathologie du sommeil et de
l’éveil. Pour prendre en charge une consultation dans ce domaine le médecin
doit évidemment être correctement formé à toutes les pathologies en ce qui concerne
le diagnostic et thérapeutique. Une large part, très spécifique, est occupée
par les analyses des tracés de sommeil.
La lecture du programme « DIU le sommeil et sa
pathologie » montre la pluralité des pathologies.
Le diagnostic est particulier
La classification des troubles du sommeil
met bien cela en évidence, car elle regroupe de nombreuses classes
diagnostiques comme l’insomnie, les troubles du sommeil en relation avec la
respiration, les hypersomnies, les troubles du rythme circadien du sommeil, les
parasomnies, les mouvements en relation avec le sommeil et des troubles du
sommeil divers listés dans d’autres classifications. Chaque classe
individualise des sous-classes et l’on peut dire que le médecin doit être
capable de gérer environ 40 diagnostics différents.
Au décours de la consultation un même patient peut avoir 1 à 3 diagnostics intriqués. Par exemple :
- Somnolence
diurne excessive en relation avec un travail posté, une mauvaise hygiène
veille-sommeil et un syndrome d’impatiences des membres inférieurs.
- Syndrome
d’apnées du sommeil, dépendance aux benzodiazépines.
- Insomnie psychophysiologique, un syndrome d’impatiences des membres inférieurs, une
mauvaise hygiène de sommeil ...
Il y a aussi des diagnostics très particuliers comme
l’hypersomnie idiopathique ou la narcolepsie.
Dans mon expérience de médecin du sommeil en ambulatoire, je
pose par exemple une moyenne de 1,4 diagnostic par patient et les troubles respiratoires du sommeil
occupent 48 % des diagnostics et les autres causes d'insomnies, 51%.
J'ai même proposé localement un thème de FMC intitulé
« les troubles du sommeil de l'apnéique » pour montrer que la
pathologie du sommeil n'était pas limitée aux apnées du sommeil.
Le temps médical réservé à la consultation est réellement
assimilable à celui d'un spécialiste. Il s’agit d’un temps capital et long,
pas seulement pour les apnées du sommeil mais surtout dans le cadre de
l’insomnie chronique, du sevrage des hypnotiques, du travailleur posté, de
l’adolescent et de l’enfant, les thérapies comportementales et cognitives spécifiques à l'insomnie ...
Pour le diagnostic le médecin dispose de ses propres
outils et examens complémentaires :
- Des échelles (Tests neuropsychologiques,
sévérité de l’insomnie, PSQI, tests de dépression, d’anxiété, de typologie
circadienne, échelles de somnolence ...).
- Des examens en ambulatoire : Agenda de sommeil,
actimétrie, polygraphie
ventilatoire de dépistage, polysomnographie ambulatoire.
- Des explorations dans une unité d’exploration
hospitalière : Polysomnographie, tests d’endormissement diurne: Test itératif
de latence d’endormissement diurne, test du maintien de l’éveil. Ces
explorations sont réalisées par des
infirmières techniciennes du sommeil diplômées
Le traitement
Le somnologue doit pouvoir prendre intégralement en charge
un patient atteint d’un trouble du sommeil et de l’éveil au moyen de traitements
spécifiques dont la gamme ne
se limite pas à la prescription d'une PPC, d'un régime ou d'une orthèse d'avancée
mandibulaire. Dans ma pratique, je propose 1,3 traitement par patient. Les
outils thérapeutiques sont variés, par exemple :
- Éducation du sommeil et hygiène du sommeil avec
des prises en charges par thérapie comportemental spécifique pour les insomnies de l'enfant, du travailleur
posté ou du sujet âgé.
- Thérapies comportementales et cognitives.
Tachnique du contrôle du Stimulus.
- Pharmacologiques : sédatifs, éveillants, spécifiques
(cas particulier du syndrome des jambes sans repos), mais aussi aide au sevrage
de benzodiazépines.
- Photothérapie.
- Chronothérapie …
Le somnologue peut aussi recourir à un autre spécialiste.
Par exemple, un ORL dans le cadre d’un syndrome d'apnées du sommeil, un
psychiatre pour un trouble du sommeil à composante dépressive, un neurologue en
présence d'un tracé de sommeil ou d'une parasomnie évoquant une épilepsie ou le
médecin du travail en présence d’une dette de sommeil en rapport avec
intolérance au travail posté …
En conclusion
La prise en charge d’un patient atteint d’un trouble du
sommeil et de l’éveil nécessite un médecin formé à tous les champs du sommeil
et de sa pathologie. Cette vision globale, d’après mon expérience, permet de
prendre en charge de façon ambulatoire, en cabinet de proximité, environ ¾ des
patients adressés par un confrère.
Voilà comment B. GAVOILLE* termine sa thèse de médecine : Le fait que
des médecins spécialistes adressent également leurs patients illustre la
transversalité de cet exercice. Les troubles du sommeil et de la vigilance
échappent à la vision d’une médecine d’organe. Ils impliquent des
connaissances, des outils, et des techniques particulières, relevant d’une
spécialité à part entière, qui peut être sollicitée par tous les acteurs et/ou
bénéficiaires du système de santé : grand public, médecin généraliste, médecin
spécialiste.
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* La
médecine du sommeil, une nouvelle spécialité clinique. Réflexion
sur l’expérience d’un médecin généraliste devenu spécialiste
du sommeil dans le département du Tarn. GAVOILLE B., Toulouse,
Avril 2006 Lire le résumé
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