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Le médecin du sommeil est-il un spécialiste ?

 

Le médecin du sommeil est-il un spécialiste ?
Quel est son rôle ?

Docteur Eric Mullens  - 21 juillet 2010

 

 

La spécialité sommeil n'est pas reconnue en France. Et pourtant :
Le fait de recevoir des patients pour avis spécialisé, de poser plus d’un diagnostic par patient et d’orienter vers plus d'un traitement est assimilable à un comportement de spécialiste.

La provenance des patients indique que le somnologue fonctionne à l'instar d'un spécialiste.
Il est à la fois un médecin de deuxième recours en recevant des patients adressés par un généraliste, mais il est aussi un médecin de troisième recours dans la mesure où il reçoit aussi des patients adressés par un confrère spécialiste. Notons que de plus en plus de spécialistes font ce recours : pneumologues, ORL, endocrinologues, neurologues, psychiatres, médecins du travail, cardiologues, pédiatres…
Le médecin du sommeil est amené à consulter toutes les tranches d’âge sans distinction puisque les pathologies du sommeil se rencontrent à tout âge.
Le motif de consultation n’est pas uniquement centré sur les apnées du sommeil mais aussi sur l’insomnie chronique, l’aide au sevrage d'hypnotiques, la suspicion d’une hypersomnie ou d’une narcolepsie...

La formation est spécifique
Le champ couvert par le sommeil et sa pathologie est très large, puisqu’il s’étend de la chronobiologie à la pathologie du sommeil et de l’éveil. Pour prendre en charge une consultation dans ce domaine le médecin doit évidemment être correctement formé à toutes les pathologies en ce qui concerne le diagnostic et thérapeutique. Une large part, très spécifique, est occupée par les analyses des tracés de sommeil.
La lecture du
programme « DIU le sommeil et sa pathologie » montre la pluralité des pathologies.

Le diagnostic est particulier
La classification des troubles du sommeil met bien cela en évidence, car elle regroupe de nombreuses classes diagnostiques comme l’insomnie, les troubles du sommeil en relation avec la respiration, les hypersomnies, les troubles du rythme circadien du sommeil, les parasomnies, les mouvements en relation avec le sommeil et des troubles du sommeil divers listés dans d’autres classifications. Chaque classe individualise des sous-classes et l’on peut dire que le médecin doit être capable de gérer environ 40 diagnostics différents.

Au décours de la consultation un même patient peut avoir 1 à 3 diagnostics intriqués. Par exemple :

  • Somnolence diurne excessive en relation avec un travail posté, une mauvaise hygiène veille-sommeil et un syndrome d’impatiences des membres inférieurs.
  • Syndrome d’apnées du sommeil, dépendance aux benzodiazépines.
  • Insomnie psychophysiologique, un syndrome d’impatiences des membres inférieurs, une mauvaise hygiène de sommeil ...

Il y a aussi des diagnostics très particuliers comme l’hypersomnie idiopathique ou la narcolepsie.
Dans mon expérience de médecin du sommeil en ambulatoire, je pose par exemple une moyenne de 1,4 diagnostic par patient et
  les troubles respiratoires du sommeil occupent 48 % des diagnostics et les autres causes d'insomnies, 51%.
J'ai même proposé localement un thème de FMC intitulé « les troubles du sommeil de l'apnéique » pour montrer que la pathologie du sommeil n'était pas limitée aux apnées du sommeil.

Le temps médical réservé à la consultation est réellement assimilable à celui d'un spécialiste. Il s’agit d’un temps capital et long, pas seulement pour les apnées du sommeil mais surtout dans le cadre de l’insomnie chronique, du sevrage des hypnotiques, du travailleur posté, de l’adolescent et de l’enfant, les thérapies comportementales et cognitives spécifiques à l'insomnie  ...

Pour le diagnostic le médecin dispose de ses propres outils et examens complémentaires :

  • Des échelles (Tests neuropsychologiques, sévérité de l’insomnie, PSQI, tests de dépression, d’anxiété, de typologie circadienne, échelles de somnolence ...).
  • Des examens en ambulatoire : Agenda de sommeil, actimétrie, polygraphie ventilatoire de dépistage, polysomnographie ambulatoire.
  • Des explorations dans une unité d’exploration hospitalière : Polysomnographie, tests d’endormissement diurne: Test itératif de latence d’endormissement diurne, test du maintien de l’éveil. Ces explorations sont réalisées par des infirmières techniciennes du sommeil diplômées

Le traitement
Le somnologue doit pouvoir prendre intégralement en charge un patient atteint d’un trouble du sommeil et de l’éveil au moyen de
traitements spécifiques dont la gamme ne se limite pas à la prescription d'une PPC, d'un régime ou d'une orthèse d'avancée mandibulaire. Dans ma pratique, je propose 1,3 traitement par patient. Les outils thérapeutiques sont variés, par exemple :

  • Éducation du sommeil et hygiène du sommeil avec des prises en charges par thérapie comportemental spécifique pour les insomnies de l'enfant, du travailleur posté ou du sujet âgé.
  • Thérapies comportementales et cognitives. Tachnique du contrôle du Stimulus.
  • Pharmacologiques : sédatifs, éveillants, spécifiques (cas particulier du syndrome des jambes sans repos), mais aussi aide au sevrage de benzodiazépines.
  • Photothérapie.
  • Chronothérapie …

Le somnologue peut aussi recourir à un autre spécialiste. Par exemple, un ORL dans le cadre d’un syndrome d'apnées du sommeil, un psychiatre pour un trouble du sommeil à composante dépressive, un neurologue en présence d'un tracé de sommeil ou d'une parasomnie évoquant une épilepsie ou le médecin du travail en présence d’une dette de sommeil en rapport avec intolérance au travail posté …

En conclusion
La prise en charge d’un patient atteint d’un trouble du sommeil et de l’éveil nécessite un médecin formé à tous les champs du sommeil et de sa pathologie. Cette vision globale, d’après mon expérience, permet de prendre en charge de façon ambulatoire, en cabinet de proximité, environ ¾ des patients adressés par un confrère.
Voilà comment B. GAVOILLE* termine sa thèse de médecine : Le fait que des médecins spécialistes adressent également leurs patients illustre la transversalité de cet exercice. Les troubles du sommeil et de la vigilance échappent à la vision d’une médecine d’organe. Ils impliquent des connaissances, des outils, et des techniques particulières, relevant d’une spécialité à part entière, qui peut être sollicitée par tous les acteurs et/ou bénéficiaires du système de santé : grand public, médecin généraliste, médecin spécialiste
.

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* La médecine du sommeil, une nouvelle spécialité clinique. Réflexion sur l’expérience d’un médecin généraliste devenu spécialiste du sommeil dans le département du Tarn.
GAVOILLE B., Toulouse, Avril 2006
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